Alors que la véraison bat son plein, le millésime 2021 reste jusqu’à maintenant une année compliquée pour une majorité de crus en raison d’une météo capricieuse depuis le début de saison et une pression pathogène extrême.
Avec un début d’hiver marqué par une alternance de périodes fraiches et douces, une pluviométrie plus importante que la moyenne et une phase fin mars de températures quasi estivales, les premiers bourgeons ont éclos tout début Avril, légèrement en avance par rapport à la moyenne trentenaire mais huit à dix jours moins précocement qu’en 2020.
Si celui-ci était relativement homogène en raison d’une bonne mise en réserve, un épisode de gel d’une rare intensité s’est abattu sur une grande majorité des vignobles français entre le 5 et le 8 Avril. A Bordeaux, les nuits du 7 et 8 avril ont été particulièrement froides avec des températures descendues en dessous de -5°C touchant l’ensemble des 65 appellations et impactant sévèrement le volume de récolte, comme en 1991 et 2017 années qui avaient connues un phénomène climatique comparable.
Mais comme toujours, localement le gel n’a pas eu le même impact et des différences dans la même parcelle entre des parties basses très gelées et d'autres moins ont souvent été observées. Pouvant parfois sauver une récolte, ces différences vont entrainer de l’hétérogénéité que l’on pourra noter tout au long du millésime.
Malgré des bourgeons gelés, l’espoir s’est alors porté sur les contre-bourgeons qui ont, pour la plupart, redémarrer la dernière semaine d’avril avec le retour de températures plus clémentes. Mais la pousse a vite été ralentie en Mai en raison une fraicheur persistante et de pluies fréquentes avec des quantités largement excédentaires. Dans ces conditions, la floraison ne fut pas précoce. Les toutes premières fleurs dans les secteurs les plus précoces sont apparues à partir du 25 mai pour une pleine fleur sur nos parcelles de référence le 8 juin, totalement dans la normale trentenaire. Mais cette période fut marquée par des pluies et des averses parfois orageuses les 4 premiers jours de juin, puis le temps devint chaud, sec et ensoleillé pendant 10 jours pour voir ressurgir les orages à partir du 16, apportant de grandes quantités d'eau pendant 7 jours mais aussi localement de la grèle. Dans ces conditions, coulure et millerandage, mais également mildiou et oidium deviendront pour une grande partie de l’été les principales préoccupations des vignerons.
Le mauvais temps, se poursuivit jusque mi-juillet où une semaine de forte chaleur laissa espérer l’arrivée de l’été. Mais alors que les raisins atteignaient le stade fermeture de grappe, le temps maussade refit son apparition avec alternance de jours estivaux et de périodes fraiches et pluvieuses provoquant de fortes attaques de mildiou sur feuilles et de rot brun sur grappes.
Les premières baies vérées ont été observées fin juillet sur les zones les plus précoces, mais la véraison est lente avec une mi véraison notée sur notre réseau le 10 et 12 Août respectivement pour les Merlots et les Cabernets sauvignon. Au 16 Août, le taux de véraison moyen pour nos parcelles de référence est de 85% pour les merlots et 76% pour les cabernets sauvignon, avec des parcelles qui sont tout juste à mi-véraison (Tableau I).
Tableau I : Evolution de la véraison (% véraison) 2021 |
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10/08/2021 |
16/08/2021 |
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Parcelle 1 Médoc
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Merlot |
60 |
83 |
Cabernet sauvignon |
55 |
84 |
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Parcelle 2 Médoc
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Merlot |
75 |
90 |
Cabernet sauvignon |
46 |
79 |
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Parcelle 3 Pessac Léognan
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Merlot |
25 |
79 |
Cabernet sauvignon |
15 |
52 |
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Parcelle 4 Entre deux mers
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Merlot |
17 |
84 |
Cabernet sauvignon |
18 |
75 |
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Parcelle 5 St Emilion |
Cabernet sauvignon |
41 |
92 |
Parcelle 6 St Emilion |
Merlot |
63 |
89 |
Les premiers contrôles de maturité, alors que la véraison n’est pas terminée, confirment la forte hétérogénéité entre les parcelles mais également au sein des parcelles, déjà observée après le gel et au moment de la floraison.
La pousse est toujours très active, et l’arrêt de croissance nécessaire pour lancer la maturation est loin d’être atteinte. L’apparition de la couleur s’est accélérée au cours du week-end du 15 Août en raison des fortes chaleurs de la fin de semaine, mais semble se ralentir ce début de semaine.
Sur les parcelles non gelées, le poids des baies est important (Tableau II). A date de prélèvement équivalente, mais 3 semaines de décalage entre stade phénologique, les baies de 2021 présentent un poids supérieur à celles de 2020.
Tableau II : Comparaison des poids moyens de 100 baies (en gramme) à date de prélèvement équivalente.
16/8/2021 |
17/08/2021 |
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Merlot |
151 |
147 |
Cabernet sauvignon |
102 |
90 |
Il est maintenant bien connu que les conditions climatiques post véraison ont un effet significatif sur l’organisation des structures pelliculaire : l’absence d’une période sèche après la nouaison favorisant la structuration des parois cellulaires et limitant l’affinement précoce des pellicules après la véraison pour réduire la sensibilité vis-à-vis de Botrytis cinerea.
Les indicateurs de sensibilité à Botrytis (PRB - potentiel de réceptivité des baies établit par l’INRAe et l’IPP-Indice de Perméabilité Pelliculaire établit par l’ISVV) mesurés cette année concluent tous d’ores et déjà à une sensibilité accrue au pathogène pour ce millésime.
L’IPP mesuré lors de ce premier contrôle (Figure 1), présente des valeurs déjà très basses par rapport au stade de développement des baies, laissant supposer que l’organisation pariétale des pellicules ne présente pas un maillage polysaccharidique complet et est déjà perméable. De plus, en raison du nombre relativement important de baies déjà touchées par le mildiou, il conviendra d’être vigilant dès le début de la maturation.
Figure 1 : Indice IPP - prélèvement du 16/8/2021 (parcelles Pessac Léognan)
Le travail du viticulteur et les dernières pratiques culturales et prophylactiques seront essentielles pour assurer la qualité de ce millésime à la climatologie jusque-là peu habituelle. Il est encore bien trop tôt pour présager de la qualité finale des raisins, tant les conditions pendant la maturation sont importantes ; mais il est certain que les derniers travaux culturaux seront essentiels pour optimiser les potentiels phénoliques et aromatiques, laisser murir le raisin sereinement et aider les deux dernières conditions nécessaires à l’obtention d’un bon millésime de rouge à Bordeaux (une maturation complète assurée par un fonctionnement optimal du feuillage et une récolte sous un beau temps, moyennement chaud et faiblement arrosé).
Consultez le PRB 2021 : https://www6.inrae.fr/umt-seven/content/download/3907/36956/version/1/file/AVIS-PRB2021_MF_13Juillet2021-pourDiffus.pdf